- Rédigé le 2 novembre 2020
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Œuvres d’art et droits de succession
Au moment du décès de son propriétaire, et dans l’hypothèse où le conjoint survivrait, il conviendra de qualifier juridiquement l’objet d’art, soit en bien propre soit en bien commun. Cette qualification juridique, qui a fait couler beaucoup d’encre et a fait naître de très nombreux débats doctrinaux et jurisprudentiels, aura pour conséquence de faire tomber ou non le bien dans la succession.
La qualification juridique de l’œuvre
En effet, si l’œuvre est qualifiée de bien propre, elle tombera dans la succession. Ce sera également le cas si l’œuvre est transmise directement aux héritiers en l’absence de conjoint survivant.
L’œuvre sera dès lors soumise aux droits de succession et il conviendra donc de valoriser ladite œuvre selon les règles prévues par le Code général des impôts.
Cette valorisation dépendra de la qualification des œuvres en tant que meubles meublants ou en tant qu’objets d’art et de collection.
La distinction entre ces deux qualifications n’est pas clairement établie et sera fonction des caractéristiques de réalisation et d’exposition propres à chaque œuvre (existence d’une collection, œuvres exposées au public ou non, lieu d’exposition, peinte entièrement à la main ou non…).
Autant de caractéristiques qui ont fait planer de nombreux doutes chez les propriétaires d’œuvres d’art.
La Cour de Cassation s’est tout de même prononcée en 1995 pour guider les contribuables dans cette qualification en considérant que :
« les mots de meubles meublants ne comprennent que les meubles destinés à l'usage et à l'ornement des appartements… Les tableaux et les statues qui font partie du meuble d'un appartement y sont aussi compris, mais non les collections de tableaux qui peuvent être dans les galeries et pièces particulières... ».
Si cette définition a eu le mérite de permettre à bon nombre de contribuables de trancher la qualification juridique de leur œuvre, un doute demeure s’agissant de ce qu’il faut comprendre par «pièce particulière d’un appartement».
La valorisation de l’œuvre
En toute hypothèse, et en cas de vente publique dans les deux ans du décès, sa valorisation correspondra au prix net de la vente (frais déduits).
A défaut de vente publique, la valorisation dépendra de la qualification de l’œuvre.
Si elle est qualifiée de meuble meublant (meuble destiné à l’usage et à l’ornement des immeubles), sa valeur sera déterminée par l’estimation contenue dans un inventaire établi par un commissaire-priseur, un huissier ou un notaire dans les cinq ans suivant le décès.
En revanche, l’œuvre qualifiée d’objet d’art et de collection verra sa valeur déterminée par le montant le plus élevé figurant soit dans un acte estimatif dressé dans les cinq ans du décès soit dans un contrat d’assurance contre le vol ou l’incendie en cours au jours du décès, datant de moins de dix ans et conclu par le défunt, son conjoint ou ses auteurs (s’il existe plusieurs contrats, il conviendra de retenir la moyenne des évaluations).
A défaut d’inventaire, d’acte ou de contrat d’assurance, la valeur sera déterminée par la déclaration détaillée et estimative produite par les héritiers. A noter cependant que s’il s’agit d’une œuvre qualifiée de meuble meublant, sa valeur ne pourra être inférieure à 5% de la valeur brute des autres biens du défunt.
Anticiper, alléger, annuler sa fiscalité
Plusieurs mesures fiscales liées aux donations, parmi lesquelles la donation avec réserve d’usufruit, existent afin de permettre d’anticiper la succession et d’alléger voire même d’annuler toute fiscalité.
Enfin, afin d’aider les héritiers à payer leurs droits de succession et de permettre à l’Etat d’enrichir son patrimoine culturel, la législation française offre la possibilité, lorsque le montant des droits est au moins égal à 10 000 euros et sous réserve d’un agrément préalable, d’acquitter les droits de mutation à titre gratuit par la remise d’œuvres d’art, de livres, d’objets de collection ou de documents de haute valeur artistiques ou historique.
Œuvres d’art et cession
Lorsqu’une œuvre doit finalement quitter le patrimoine familial, le droit français offre à nouveau un régime fiscal avantageux.
Une imposition sur option, allégée grâce aux abattements pour durée de détention
Les propriétaires d’œuvres d’art dont la valeur excède 5 000 euros sont imposables sur option irrévocable au taux de droit commun de 36,2% de la plus-value (19% d’impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux).
Ce régime de droit commun pourra se révéler particulièrement attractif en cas de détention de l’œuvre pendant un certain temps. En effet, un abattement de 5% par an s’applique à compter de la deuxième année, soit une exonération totale après vingt-deux ans de détention.
Pour en bénéficier, le contribuable devra néanmoins être en mesure d’établir la date et le prix d’acquisition du bien (extrait de la déclaration de succession) ou de justifier qu’il détient le bien depuis plus de vingt-deux ans.
A défaut d’option, l’application d’une taxe sur les objets d’art
A défaut d’option ou de justificatif, la taxe sur les objets d’art égale à 6,5% du prix de cession (taxe 6% + CRDS 0,5%) s’appliquera aux résidents fiscaux français. Celle-ci sera exigible au moment de la cession ou de l’exportation.
Elle sera supportée par le vendeur ou l’exportateur et, en principe, acquittée par lui. Toutefois, en cas d’intervention d’un intermédiaire établi fiscalement en France ou en l’absence d’intermédiaire, si l’acquéreur est un assujetti à la TVA établi en France, la taxe devra être versée, sous leur responsabilité, par les intéressés.
Force est de constater que la fiscalité attachée aux œuvres d’art est complexe mais qu’elle est également l’une des plus intéressantes tant en matière d’impôt sur le revenu, qu’en matière d’impôt sur la fortune. Elle permet également une imposition très limitée en matière de plus-value dans le cadre de cessions et la mise en place de mécanismes efficaces en matière de transmission.
Tout ceci, bien évidemment, sous réserve que de telles opérations soient menées aux côtés de professionnels avertis !
Melissa partage son activité entre le Conseil aux groupes familiaux, en matière notamment de transmission et de gouvernance, et le Conseil aux investisseurs en capital, pour lesquels elle intervient en matière de structuration juridique et fiscale de carried interest, de management package, et lors d’opérations d’apports-cessions.
Rémy assiste des groupes familiaux et des particuliers concernant leurs problématiques d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune immobilière. Il conseille également des investisseurs en capital. [Voir son profil]