Pour rappel, la pré-commercialisation d’un FIA est la pratique qui consiste en : la fourniture d’informations ou la communication sur des stratégies d’investissement ou des idées d’investissement, par une société de gestion de portefeuille française ou pour son compte, à des clients potentiels, professionnels (dont la liste telle qu’établie par le Code monétaire et financier est reprise pour information en Annexe 2 de la présente note) ou non professionnels dont la souscription initiale est supérieure ou égale à 100 000 euros (également désignés dans la présente note comme des investisseurs « assimilés professionnels »), domiciliés en France ou au sein de l’Union européenne, afin d’évaluer l’intérêt de ces derniers pour un FIA ou un compartiment d’un tel FIA qui n’est pas encore établi en France ou dans l’Union européenne, ou qui est établi mais qui n’est pas encore notifié en vue de sa commercialisation1.
Les activités de pré-commercialisation ne doivent pas avoir le caractère d’un placement auprès des investisseurs potentiels ou d’une offre d’investissement dans des parts ou actions de ce FIA ou de ce compartiment.
La pré-commercialisation a récemment fait l’objet d’une mise à jour suite à la Directive 2019/1160 du 20 juin 2019 relative à la distribution transfrontalière des organismes de placements collectifs (la « Directive ») transposée en droit français le 31 juillet 2021. Les nouveaux textes issus de la Directive introduisent en droit français le régime européen de pré-commercialisation de parts ou actions d’un FIA de l’Union européenne auprès de clients professionnels en France ou dans un autre État membre de l’Union européenne et sont insérés dans le Code monétaire et financier et le Règlement général de l’AMF (le « RG AMF »). En parallèle l’AMF maintient son ancien régime permettant ainsi la pré-commercialisation auprès de clients assimilés professionnels. Le maintien de ce régime constitue une spécificité nationale (c’est-à-dire non partagée avec les autres États Membres de l’UE), venant s’ajouter au régime harmonisé de la pré-commercialisation issue de la Directive.
Deux régimes trouvent donc à s’appliquer :
- celui issu de la Directive qui s’applique à la pré-commercialisation de FIA auprès d’investisseurs professionnels ;
- celui issu de la Position-Recommandation DOC-2014/04 de l’AMF (Guide sur les régimes de commercialisation des OPCVM, des FIA et autres fonds d’investissement en France) – telle que mise à jour pour la dernière fois le 2 août 2021 (soit suite à la transposition de la Directive) – (la « Recommandation AMF ») qui permet ainsi la pré-commercialisation auprès d’investisseurs assimilés professionnels.
Nous précisons que la présente note traite de la commercialisation de FIA de droit français gérés par une société de gestion de portefeuille de droit français agréée par l’AMF au titre de la directive 2011/61/UE (dite « Directive AIFM »). S’agissant de l’activité de pré-commercialisation par une société de gestion de droit étranger ou pour son compte de parts ou actions de FIA auprès de clients professionnels en France, cette activité est soumise aux dispositions du droit national de l’État membre d’origine de la société de gestion transposant l’article 30 bis de la Directive AIFM (tel que créé par la Directive) concernant les modalités selon lesquelles une société de gestion peut procéder à la pré-commercialisation de parts ou actions d’un FIA de l’Union européenne auprès de clients professionnels dans un État membre de l’Union européenne. Par ailleurs la position de l’AMF ne préjuge pas de celle retenue par les autorités compétentes d’un État étranger lorsqu’il est envisagé que soient souscrites ou acquises, suite à un acte intervenu dans cet État, des parts ou actions d’un OPCVM ou d’un FIA.
- Article L214-24-2-1 du Code monétaire et financier : (…) Pour l’application du présent article, la pré-commercialisation s’entend comme la fourniture d’informations ou la communication, directe ou indirecte, sur des stratégies d’investissement ou des idées d’investissement par une société de gestion de portefeuille française, ou pour son compte, à des clients professionnels potentiels domiciliés ou ayant leur siège statutaire dans l’Union européenne. Ces activités ont pour objet d’évaluer l’intérêt de ces derniers pour un FIA de l’Union européenne ou un compartiment d’un tel FIA qui n’est pas encore établi, ou qui est établi mais qui n’est pas encore notifié en vue de sa commercialisation conformément au I et au premier alinéa du II de l’article L. 214-24-1 ou à l’article L. 214-24-2, dans l’État membre où les investisseurs potentiels sont domiciliés ou ont leur siège statutaire. Les activités de pré-commercialisation ne doivent pas avoir le caractère d’un placement auprès de l’investisseur potentiel ou d’une offre d’investissement dans des parts ou actions de ce FIA ou de ce compartiment. ».
Position-recommandation de l’AMF DOC-2014-04 : « Ne constitue pas un acte de commercialisation en France : (…)
- la pratique qui consiste pour une société de gestion de portefeuille, une société de gestion ou un gestionnaire, ou pour un tiers agissant pour leur compte :
- a) à fournir des informations ou à communiquer, directement ou indirectement, sur des stratégies d’investissement ou des idées d’investissement en France, à des clients professionnels potentiels ou des clients non professionnels potentiels dont la souscription initiale serait supérieure ou égale à 100 000 euros (lorsque le fonds qu’il est envisagé de lancer est un FIA ouvert à des investisseurs professionnels (par exemple, un FPCI) dont la souscription ou l’acquisition de parts ou actions peut être le fait d’investisseurs non professionnels dont la souscription initiale est supérieure ou égale à 100 000 euros) ;
- b) afin d’évaluer l’intérêt de ces clients potentiels pour un OPCVM ou un FIA ou un compartiment d’un tel OPCVM ou FIA qui n’est pas encore agréé ou établi en France ou qui n’est pas encore notifié en vue de sa commercialisation conformément à l’article L. 214-2-2 ou à l’article L. 214-24-1 du code monétaire et financier ;
- c) et qui, en tout état de cause, n’équivaut pas à un placement auprès de ces clients potentiels ou à une offre d’investissement dans des parts ou actions de cet OPCVM ou FIA ou de ce compartiment, dès lors que :
- cette pratique est opérée dans les mêmes conditions que celles posées au I de l’article D. 214-32-4-1-1 du code monétaire et financier ;
- les clients potentiels ne souscrivent ou n’acquièrent pas de parts ou d’actions d’un OPCVM ou d’un FIA dans le cadre de la pré-commercialisation ; et
- les clients potentiels contactés dans ce cadre ne peuvent souscrire ou acquérir des parts ou des actions d’un OPCVM qu’après l’agrément en France de l’OPCVM ou par le biais de la commercialisation autorisée en vertu de l’article L. 214-2-2 susmentionné ou des parts ou des actions d’un FIA que par le biais de la commercialisation autorisée en vertu de l’article L. 214-24-1 susmentionné (sous réserve du cas des FIA gérés par une société de gestion de portefeuille relevant du titre Ier quater du règlement général de l’AMF, non soumise alors à la procédure de commercialisation en France de l’article L. 214-24-1 du code monétaire et financier »).
Le régime européen destiné à des investisseurs professionnels
Les nouvelles dispositions relatives à la pré-commercialisation concernent uniquement les FIAs de l’Union européenne destinés à des clients professionnels. Elles ne s’appliquent pas aux FIA destinés à des investisseurs non professionnels, même si leur souscription initiale potentielle était supérieure à 100 000 euros (et elle ne s’applique pas non plus aux OPCVM). Dans ce dernier cas il convient de se référer au régime français de pré-commercialisation figurant dans la Recommandation AMF (voir point 2 ci-après).
La pré-commercialisation au titre de la Directive peut être effectuée auprès de clients professionnels situés en France ou dans un autre État membre de l’Union Européenne.
Il convient de noter que le régime européen ne pose aucune limite en termes de nombre d’investisseurs (clients professionnels) potentiels pouvant être approchés dans le cadre d’une pré-commercialisation.
La pré-commercialisation telle que définie dans le Code monétaire et financier est réservée à certains acteurs qui sont la société de gestion de portefeuille ou d’autres sociétés de gestion, en conséquence de quoi :
- un tiers ne peut entreprendre des activités de pré-commercialisation pour le compte d’une société de gestion que s’il est lui-même une société de gestion ou une entreprise d’investissement.
- les conseillers en investissement financiers (CIF) sont exclus du régime européen de la pré-commercialisation.
Dans un délai maximum de deux semaines à compter du début de l’activité de pré-commercialisation, la société de gestion adresse à l’AMF le formulaire reproduit en Annexe 3, indiquant :
- La France ou les États membres de l’Union européenne dans lesquels les activités de pré-commercialisation ont lieu ou ont eu lieu ;
- les périodes pendant lesquelles les activités de pré-commercialisation ont lieu ou ont eu lieu ;
- une brève description des activités de pré-commercialisation menées, y compris des informations sur les stratégies d’investissement présentées ; et
- le cas échéant, une liste des FIA et compartiments de FIA qui font ou ont fait l’objet d’une pré-commercialisation.
Le formulaire est adressé par la société de gestion à l’AMF par voie électronique, à l’adresse : passports-AIFM@amf-france.org
Dans l’hypothèse où une activité de pré-commercialisation est envisagée par la société de gestion (française) dans d’autres États membres de l’Union Européenne, l’AMF informera à son tour les autorités compétentes des États concernés. À la demande des autorités compétentes de l’État membre dans lequel la pré-commercialisation a lieu ou a eu lieu, l’AMF transmet à ces autorités des informations complémentaires sur la pré-commercialisation qui a lieu ou a eu lieu sur le territoire de cet État membre.
La position de l’AMF destinée à des investisseurs
non professionnels
La pré-commercialisation de parts ou actions de FIA à des investisseurs assimilés professionnels (c’est-à-dire dont la souscription initiale est égale ou supérieure à 100 000 euros) n’est pas autorisée au titre de la Directive. Toutefois elle le reste au titre de la Recommandation 2014/04.
Aucun formulaire particulier n’est à adresser à l’AMF s’agissant des investisseurs assimilés professionnels en application de la Recommandation 2014/04.
Il convient de noter que la référence à « cinquante investisseurs » qui apparaissait dans la précédente version de la Recommandation 2014/04 (version en date du 26 juin 2018)2 quant au nombre maximum de personnes pouvant être approchées dans le cadre d’une pré-commercialisation n’apparaît plus dans la version mise à jour le 2 août 2021 (suite à la transposition de la Directive en droit français). Il semblerait donc que cette restriction, qui ne figure pas dans le texte de la Directive et dans le Code monétaire et financier (pour les clients professionnels), a donc été également supprimée par l’AMF pour la pré-commercialisation auprès de clients assimilés professionnels.
Il convient également de noter que le maintien du régime de l’AMF constitue une spécificité nationale (c’est-à-dire non partagée avec les autres États Membres de l’UE) et que la position de l’AMF ne préjuge pas de celle retenue par les autorités compétentes d’un État étranger dans l’hypothèse où il serait envisagé de précommercialiser un FIA français auprès d’investisseurs localisés dans un autre État membre. Dans l’hypothèse où une société de gestion française envisagerait de précommercialiser des parts ou action d’un FIA dans un (ou plusieurs) pays de l’Union européenne autre que la France, il conviendra alors de procéder à une étude pour chaque pays concerné pour vérifier qu’une telle pré-commercialisation auprès de clients non professionnels est possible en vertu du droit local.
- « En revanche, ne constitue pas un acte de commercialisation en France :(…)
- la pratique qui consiste pour des sociétés de gestion ou des tiers agissant pour leur compte à se rapprocher de cinquante investisseurs au plus afin d’estimer leur appétence préalablement au lancement d’un OPCVM ou d’un FIA, lorsque elle est réalisée auprès (i) d’investisseurs professionnels ou (ii) d’investisseurs non professionnels dont la souscription initiale serait supérieure ou égale à 100 000 euros (…) ».
Rappel général : pas de documentation en forme définitive !
Comme le rappelle expressément le Code monétaire et financier (art. D. 214-32-4-1-1, par. I) et la Recommandation 2014/04, une pré-commercialisation implique que les informations transmises aux potentiels investisseurs ne devront en aucun cas être :
- suffisantes pour permettre aux investisseurs de s’engager à souscrire ou à acquérir des parts ou des actions d’un FIA donné ;
- équivalentes à des formulaires de souscription ou à des documents similaires, que ce soit sous forme de projet ou sous forme définitive ;
- équivalentes à des actes constitutifs, à un prospectus ou à des documents d’offre d’un FIA non encore établi sous une forme définitive.
Les activités de pré-commercialisation ne doivent pas avoir le caractère d’un placement financier auprès de l’investisseur potentiel ou d’une offre d’investissement dans des parts ou actions de ce FIA ou de ce compartiment. Aucun bulletin de souscription ne doit être remis et lorsqu’un projet de règlement ou prospectus ou document d’offre est fourni, il ne peut contenir suffisamment d’informations pour permettre aux investisseurs de prendre une décision d’investissement.
Tout projet de règlement ou prospectus ou de document d’offre transmis dans le cadre d’une procédure de pré-commercialisation doit indiquer clairement que :
- le document ne constitue pas une offre ou une invitation à souscrire ou à acquérir des parts ou actions d’un FIA ; et
- les informations présentées dans le document ne sont pas fiables car elles sont incomplètes et susceptibles d’être modifiées.
Les sociétés de gestion de portefeuille veillent à ce que les investisseurs ne souscrivent ou n’acquièrent pas de parts ou d’actions d’un FIA dans le cadre de la pré-commercialisation et que les investisseurs contactés dans ce cadre ne puissent souscrire ou acquérir des parts ou des actions d’un FIA que par le biais de la commercialisation autorisée en application du droit français. Les investisseurs potentiels approchés dans le cadre de la pré-commercialisation ne pourront investir dans le FIA que lorsque ce dernier sera autorisé à être commercialisé.
Conformément à la Recommandation 2014/04 « toute souscription ou toute acquisition, par des clients professionnels ou des clients non professionnels dont la souscription initiale est supérieure ou égale à 100 000 euros, dans les dix-huit mois qui suivent le début de la pré-commercialisation, de parts ou d’actions d’un OPCVM ou d’un FIA visé dans les informations fournies dans le contexte d’une pré-commercialisation ou d’un OPCVM ou d’un FIA établi en conséquence de la pré-commercialisation, est considérée comme résultant d’une commercialisation et est soumise aux procédures d’agrément ou de notification applicables ».
Nous rappelons également que les sociétés de gestion sont tenues d’agir en toutes circonstances d’une manière honnête, loyale et professionnelle, qui favorise l’intégrité du marché (article L. 533-1 du code monétaire et financier, voir aussi article 14, paragraphe 1 a) de la directive 2009/65/CE et article 12, paragraphe 1 a) de la directive 2011/61/UE) et à ce titre sont tenues de veiller à ce que les communications publicitaires adressées aux investisseurs soient identifiables en tant que telles et décrivent les risques et les avantages liés à l’achat de parts ou d’actions d’un FIA de manière tout aussi visible. Elles doivent être présentées de manière correcte, claire et non trompeuse.
Couderc Dinh & Associés est un cabinet d’avocats indépendant, créé en 2020, réunissant une équipe d’avocats spécialistes du droit des affaires, du droit fiscal et du droit du patrimoine professionnel.